"La suppression de la propriété privée... suppose, enfin, un processus universel d’appropriation qui repose nécessairement sur l’union universelle du prolétariat : elle suppose « une union obligatoirement universelle à son tour, de par le caractère du prolétariat lui-même » et une « révolution qui (...) développera le caractère universel du prolétariat ».
Marx (L'idéologie allemande)

«Devant le déchaînement du mal, les hommes, ne sachant que devenir,
cessèrent de respecter la loi divine ou humaine. »

Thucydide

vendredi 12 janvier 2018

LE TERRORISME EST-IL UN SUBSTITUT A LA GUERRE MONDIALE DEPUIS 60 ANS ?



« Plus de trente ans plus tard, l'illusion d'un peuple algérien homogène et le silence fait sur la participation de chrétiens à la révolution algérienne auront sans doute rendu plus faciles les meurtres de chrétiens des années quatre-vingt-dix ». Mohammed Harbi (Mémoires)

« L'Algérie nous a trahis ». Houria Boutelja

Le terrorisme est devenu un casse-tête chinois. On peut partager la vision apocalyptique du CCI sur la possibilité d'une nouvelle guerre mondiale Armaguedon1 . La presse bourgeoise se fait l'écho d'ailleurs ponctuellement de ce « souci » universel chez tout honnête homme : « Nos dirigeants sont-ils des « somnambules » qui nous conduiraient en 2017 à une troisième guerre mondiale, en reprenant le concept de l'historien australien Christopher Clark pour les mois précédant 1914-1918 ? Vraisemblablement pas. Certes l'ONU, comme la SDN en son temps, a montré son incapacité à arrêter les conflits militaires qui tourmentent - et tourmenteront en 2017 - la planète.
Certes, rarement depuis soixante-dix ans le monde n'a donné l'impression d'être au bord du précipice. Le concept d'une guerre mondiale contre le terrorisme a même fleuri »2.

Curieuse époque, tout se passe comme si on devait endurer perpétuellement de vraies guerres locales plus ou moins lointaines, en Syrie, en Ukraine, et se sentir menacé dans les zones privilégiées des pays riches par une menace inopinée, obscure, aléatoire et visant le moindre passant3. Ce qu'en d'autres temps on eût nommé menace devient terreur diffuse ou terreur indirecte. Si on laisse de côté la théorie du complot d'un conclave de généraux préparant dûment la guerre mondiale et qu'on conserve l'analyse de base marxiste que deux guerres mondiales n'ont pas été le simple produit d'un attentat dérisoire, celui de Sarajevo (comparé à ceux qu'on subit de nos jours) ni du maléfique Hitler, mais bien l'hypothèse de la marche à l'abîme intrinsèque à un mode de production capitaliste en décadence, dirigé par un personnel politique « somnambule », qui ne peut plus se perpétrer que par des magouilles financières, d'incessantes guerres locales et les diverses formes de terrorismes qui fondent l'économie prédatrice, on peut se poser la question : le terrorisme n'aura-t-il été depuis 60 ans qu'un substitut à la guerre mondiale ou un long épisode de préparation à la future ?

Le terrorisme mène à tout à condition de s'en servir. Comme la gabelle écologique , on a même créé une taxe anti-terroriste4. Il est une affaire fructueuse dans l'édition. Des rayons entiers de supermarché vous offrent les mille et une interprétations du phénomène, au point de tenir la dragée haute à la presse pipole. Mon choix de consommateur s'est arrêté sur l'ouvrage de Frédéric Charpier parce que le quatrième de couv promettait de démarrer l'analyse du phénomène depuis la phase de décolonisation d'après guerre. Quel lien pouvait-il y avoir avec les attentats des « libérateurs nationaux », qu'on pouvait rationnellement et même marxistement comprendre, même si on désapprouvait, et un cycle actuel de crimes au nom d'Allah5. Par devers le propos sensationnaliste de l'auteur, une propension à en rester au niveau de l'investigation policière et aux biographies des terroristes islaminguants, son enquête approfondit – si on prend du recul – la nature gangstériste du capital décadent. Marx avait bien démontré le gangstérisme originel du capitalisme par l'extorsion de la plus-value, mais il ne pouvait encore soupçonner en son temps le degré de vilenie à laquelle sombrerait le marché capitaliste pour sa survie plusieurs décennies plus tard. Ce brigandage, Lénine l'a bien dénoncé en succédant à Marx6. Voilà une preuve de plus de la décadence du capitalisme, une révélation propre à interloquer même l'orthodoxe Robin Goodfellow : toute négociation industrielle d'ampleur passe nécessairement par l'intermédiaire terroriste. Le concept de nécessaire obsolescence programmée de la marchandise a été inventé lors de la crise de 1929 pour vanter la pérennité du capital ; l'obsolescence programmée des produits est devenue si contre-productive et comparable à l'obsolescence du capital que celui-ci la remet en cause pour vanter la « robustesse » de ses nouveaux produits (portables, imprimantes, etc.), gages de... longévité de la société marchande qui ne se résout pourtant pas à l'obsolescence de la guerre pour l'humanité.

J'ai en même temps procédé à une relecture parallèle du bel ouvrage de Mohammed Harbi, pour séparer le bon grain de l'ivraie et montrer que l'islam menteur connaît une utilisation à éclipses et que tout ne dépend pas des grandes puissances ni de leurs rivalités7.

LE TERRORISME UNE HISTOIRE POLICIERE ou d'abord terrain des rivalités inter-impérialistes ?

Le titre de Charpier est mauvais. Qui lutte ou plutôt qui est chargé de lutter contre le terrorisme. Moi, citoyen lambda, possible victime anonyme ou spectateur affligé ? Par ma capacité de délation de tout individu dangereux que j'apercevrais porteur d'une kalach et d'un sac de bombes ? Par mon vote à un candidat politicien plus « sécuritaire » que les autres ? Par ma suggestibilité à l'idéologie de « protection nationale » ? « 60 ans de lutte AVEC le terrorisme » eût été plus indiqué, n'est-ce pas messieurs les fabricants de modes idéologiques ? Ce que je craignais se vérifie en début d'ouvrage, Charpier a trouvé le filon : l'islam délétère qui explique tout « axe du mal » aux époques successives : « Premier enseignement des archives, l'islam a servi de ciment à la révolution algérienne ». C'est faux. La démonstration qui suit est typique du caméléonisme trotskien ; hier il eût fait porter le chapeau au seul courant stalinien, aujourd'hui il inverse les données citant un ouléma bigot et réduisant un mouvement qui allait enchanter le tiers-monde et les marxistes fêlés du monde entier et les versets du Coran qu'utilisa le premier « guide » Messali Hadj dans sa propagande pour l'indépendance. Le parti de Hadj « passe plutôt pour une secte politico-religieuse dont les accointances avec les grands centres internationaux de l'islam sont indéniables » (p.25). Idem avec les origines du FLN : « Ce n'est pas sans raison que ceux-ci se dénommèrent Moujahidine, les « combattants de la foi » (fait avec le mot « Djihad »). C'est l'islam qui a conduit leurs pas. Leur cri de guerre était Allah Akbar ». Problème c'est que c'est la version de Ferhat Abbas, éphémère président, écarté après les incessantes bagarres entre caïds militaires, pas du tout concerné par Allah mais par la lutte pour le pouvoir ; surtout les « libérateurs » de la dernière heure, les « marsiens » quand Mohammed Harbi nous décrit la réaction de la classe ouvrière algérienne juste après la « libération », pleine d'exactions et de crimes horribles : « Reste que, dès cette époque, les « libérateurs » n'avaient pas tous bonne presse. Un mois après l'indépendance, les rapports entre eux et la population s'étaient déjà dégradés dans certaines régions. C'est que les algériens voyaient qu'ils n'avaient ni le travail ni la sécurité, ni la liberté, mais une censure des mœurs (la hisba) brutale, les tracasseries aux barrages routiers. Les privilèges des hommes en armes sur les gens ordinaires s'imposaient au regard de tout observateur » (p.366).
Allah et Akbar étaient très loin du souci de la classe ouvrière du pays « libéré » ! Ce que se garde de rappeler cet admirateur des collabos « porteurs de valises »8, comme d'insister sur le rôle des services secrets « soviétiques » et « chinois ». Il nous égare dans l'enquête policière romancée pour nous sortir des stéréotypes du genre : « Durant la guerre d'Algérie, le FLN bénéficie d'un soutien internationale considérable. Ses liens avec des pays étrangers ou des organisations internationales sont une préoccupation constante des services antiterroristes ». Il se place résolument du point de vue de la « conscience policière » pas depuis un positionnement politique hors système des artefacts policiers. Il y a des « centres d'instruction en Chine ou en Tchécoslovaquie » où l'on ne chante pas allahou akbar. Idem sur les tarmacs « soviétiques » où sont entraînés, sur MIG-15, des pilotes algériens.
La terreur militaire contre la classe ouvrière algérienne en France que décrit Mohammed Harbi en Alagrie n'est pas prise en compte par Charpier, qui nous évoque sans état d'âme « l'impôt révolutionnaire », pourtant « le plus souvent sous la contrainte », pour alimenter des banques en Suisse, pays pourtant mécréant. On passe de longues pages sur les mystères des enquêtes policières, dont on se fout royalement, pour tomber sur un autre cliché inodore : le trafic d'armes : « Les pays du Moyen-Orient ont été les premiers fournisseurs d'armes du FLN, plus particulièrement l'Egypte, la Syrie et l'Irak9. A partir de 1957, la cause arabo-musulmane élargit ses soutiens en raison de la guerre froide et de l'aide aux mouvements de décolonisation : le FLN reçoit désormais des armes de Tchécoslovaquie, de RFA, d'Espagne, d'Italie, de Turquie ou encore et surtout de yougoslavie ». Aucune analyse politique ni géostratégique ne suit. Les fournisseurs d'armes ont-ils pour motivation une généreuse aide aux gentils « mouvements de décolonisation » ? Quelle grande puissance autorise un tel commerce (partagé) ? En quoi la production d'armes à outrance est-elle nécessaire à la survie du capital et au partage des richesses du monde ?
Les héros du roman de Charpier sont des policiers, bons ou mauvais enquêteurs à la poursuite des terroristes masqués. On nomme en passant les lieux où ils sont formés, par exemple à Leipzig « un centre de formation politique et militaire », mais aucune réflexion sur le fait que la RDA est inféodée à l'impérialisme russe et ne forme pas pour la beauté des « mouvements de décolonisation ». Voici un autre stéréotype généraliste, accessoire, dans la bouche d'un collabo des policiers : « Non, si la guerre continue, selon l'informateur du SDECE, c'est qu'une coalition hétérogène et puissante combat pour l'éviction de la France d'Algérie. Cette coalition s'est forgée après la découverte de richesses immenses en pétrole et gaz naturel qui « a bouleversé les données du problème algérien ». C'est faux. Le pétrole est l'argument passe-partout de tout sectaire gauchiste. La vérité dont ne se rendent compte ni Charpier ni Harbi, c'est surtout que la puissance américaine mène la danse. C'est Kenndy qui est obligé de venir à Paris pour dire à De Gaulle que la France est priée de déménager fissa d'Algérie, et que, mêmes éloignés, les Etats-Unis contrôlent et surveillent toujours la situation en Algérie aujourd'hui. Mais Charpier nous livre une remarque fondamentale, mais qu'il est incapable de développer comme toujours (ce n'est qu'un journaliste), et qui est fondamentale pour notre propos ici pour la compréhension d'une « si longue utilité du terrorisme » :

« Quelle que soit l'horreur des crimes commis par les terroristes, les Etats finissent par accepter de négocier avec les organisations politico-criminelles » (p.56)10

Au lieu donc de nous resituer les différentes phases d'une histoire des terrorismes, Charpier vient nous conter la fable des « foyers islamiques » avec « bases terroristes » dans tel ou tel pays lointain. Au lieu de montrer à chaque époque le jeu des impérialismes, on invite le lecteur idiot à croire aux seules petites révélations policières et à se sustenter de l'islamisme comme cause principale du terrorisme et donc à la bonté de la police démocratique sanctifiée dans son rôle de pompier anti-terroriste. De l'indépendance algérienne on saute, vingt ans plus tard dans la « révolution islamique » en Iran, en oubliant de mentionner qu'elle a été possible par la courte utilisation de la révolte du prolétariat iranien, blousé ensuite par la camarilla des bigots chiites. Charpier montre en passant, sans s'y attarder, que les attentats de Beyrouth (1983, 58 paras français tués), de la rue des Rosiers, sont une réaction à la vente d'armes à l'Irak et de l'invasion israélienne du Liban. N'est pas évoqué à cet endroit l'attentat contre Tati Montparnasse parce que Chirac avait refusé de rétrocéder aux mollahs l'argent versé par le Chah avant sa chute en 1979, pour des avions jamais livrés. Une analyse de ces transactions gangstéristes et louches eût été plus éclairantes sur la marche du capital que ce retour systématique à la picrocholine enquête policière digne de n'importe quel nanar du Fleuve noir.
On rit (jaune) parfois des citations fournies des « lutteurs » contre le terrorisme. Mitterrand promet une « guerre implacable » au terrorisme. Son valet, Mauroy, au moment des fameux accords (surtout antiterroristes et anti grandes puissances) de Schenghen, fait un curieux lapsus : « Le terrorisme est un crime qui dispose de moyens de guerre » (p.61).

LE TERRORISME UNE THEORIE REVOLUTIONNAIRE POUR L'EMANCIPATION DES PEUPLES ?

S'il existe une continuité réelle depuis les époques de libérations nationales invraisemblables, ce n'est pas l'islam, ni simplement les maquillages inter-impérialistes, c'est bien le soutien récurrent des factions de l'extrême gauche de la bourgeoisie. Clairement avec les sous produits du gauchisme et du stalinisme décomposés, les Baader et Rouillan, plus filandreux et hypocrite par toutes les chapelles qui se revendiquent d'un trotskisme modernisé. A la fin des années 1960, les fondateurs du mouvement maximaliste marxiste disaient fort justement « ils choisissent toujours un camp pourvu que le sang coule », le pouvoir n'était-il pas « au bout du fusil » du vietnamien de base ? Pendant la guerre pour la libération de l'Algérie, les trotskiens Pablo (Michel Raptis) et autres ont porté des valises d'armes, comme le rappelle Harbi, mais aussi un projet de fabrication de fausse monnaie (p.349). Comme en 1945, où ils avaient choisi le camp américano-russe, ils se tenaient prêts à soutenir même la Russie et ses satellites.
Charpier nous regroupe pêle-mêle, les Georges Ibrahim Abdallah, chef de « fractions armées révolutionnaires libanaises », Frédéric Oriach « animateur de la branche internationaliste d'Action Direct et ex-dirigeant des NAPAP « noyaux armés pour l'autonomie prolétarienne ». Il nous apprend que Abdallah était en contact avec les Brigades rouges. Ces corrélations sont vicieuses en réalité, tous les terrorismes ne se mélangent pas. Pas les mêmes mœurs. Quand la bande à Baader va s'entraîner dans un camp au Liban ou en Palestine, ils se rendent compte que leurs nanas ne peuvent pas bronzer à poil sur les toits, cela ne se fait pas en terre musulmane ! Même plus ou moins financés par le bloc russe, les terroristes politiques des années de plomb professaient un avenir débarrassé du capitalisme grâce à l'activation de leurs bombes pas le règne mortifère d'Allah ni une libération « nationale ». Indépendamment de la connivence ou du soutien virtuel de tous les naïfs gauchistes à tout ce qui bouge ou qui est foncièrement anti-impérialiste, le terrorisme participe bien de la realpolitik, comme le sous-titre Charpier (p.79) ; ce passage est plus intéressant avec l'affaire Gordji. C'est l'époque des « Etats-voyous », où même le CCI développe une analyse de « la force du faible » : « L'Iran n'est d'ailleurs pas le seul Etat terroriste – on parle alors de rogue state, d'  « Etat voyou » - avec lequel la France a maille à partir : à la fin des années 1980, le colonel Khadafi, qui porte haut les valeurs de l'islam, lui reproche de chasser sur ses terres et d'empiéter au Tchad sur sa zone d'influence ». Ce n'est pas tout à fait vrai, avec son train de vie, ses amazones sapées comme des militaires hommes et ses pitreries populistes on ne peut pas dire que Khadafi porte haut les valeurs de l'islam, mais Charpier tient à son gimmick. Et l'islamisation, vingt ans avant, dans le courant des libérations nationales a toujours été combattue par une partie des soldats-militants : « Contrairement aux étudiants des universités françaises, ceux du Moyen-Orient, qui n'avaient pas de gages à donner sur leur identité, optaient sur le plan linguistique pour le choix de l'arabe comme langue officielle en rejetant toute formulation qui aboutirait à l'amalgame entre islamisation et arabisation (…) d'autres : « voulaient une laïcisation du politique, l'islam n'étant à leurs yeux qu'une arme pour renforcer la résistance morale du peuple contre les menaces du communisme » (Harbi, p.326-327).

On saute dix ans après dans ce qu'il nomme « la génération GIA », qui a tant ensanglanté et meurtri l'Algérie. Génération (?), terme trop sympa et philo-gauchiste pour désigner des tueurs, certes souvent jeunes, qui n'auraient été - « anciens alliés de l'Occident face à la menace soviétique » - que des produits :  « de l'effondrement de l'URSS (…) du racisme, de la ségrégation sociale, de la misère et de la pauvreté » (p.89). Cet « islamisme armé » serait un héritier « du temps de la décolonisation (où) se sont forgées les formes modernes du terrorisme » !? Dans le FLN l'islamisme n'était qu'une frange.
Pas vraiment à une époque, avant et pendant, où la classe ouvrière algérienne a subi tant d'exactions et nullement admiré le terrorisme : « La démagogie, la recherche d'une clientèle et l'absence d'esprit de responsabilité ont, sans aucun doute, favorisé les excès effroyables qui ont marqué cette période : des dizaines de milliers d'hommes, harkis et autres supplétifs de l'armée française, ou soupçonnés de l'être, furent assassinés, souvent avec sauvagerie par des « marsiens » qui cherchaient par ces actions criminelles à s'inscrire, à retardement, dans le camp des vainqueurs » (Harbi, p.366).

Il est notoire que c'est bien le pouvoir militaire qui, durant les années 1970, favorise, avec l'arabisation, l'implantation d'un islam archi-arriéré quand l'épopée de la guerre d'indépendance s'effiloche, vu la réalité sociale miséreuse pour de larges couches de la population (je l'avais vérifié sur place en 1980). La charte du pouvoir militaire avait institué l'islam religion d'Etat en 1976.
Charpier ne développe pas comment le Front islamique du salut s'est d'abord imposé par un détournement du mécontentement de la classe ouvrière lors de grèves impulsées en 1991 par le syndicat islamique du travail. Il n'explique vraiment ni le développement du GIA ni ses financements et nous fait retomber dans les méandres des enquêtes policières et les rodéos du GIGN au lieu de poursuivre une réflexion politique sur tenants et aboutissants. Décide, au cours des années
Il faut patienter jusqu'à cinquante pages plus loin pour retrouver un brin d'analyse géo-politique où on apprend que toutes les ONG sont des armes de guerre : « Ben Laden entretient lui-même des liens étroits avec Alija Izetbegovic pour lequel il a créé de nombreuses ONG qui servent de « bureaux d'embauche » pour les islamistes souhaitant combattre en Bosnie (…) Au cœur de l'Europe, environ 4000 moudjahidin combattent à ses côtés, encadrés par des forces spéciales iraniennes (…) Bill Clinton et son vice-président Al Gore en font leurs poulains. Face aux russes et à leurs frères slaves de Serbie, les Etats-Unis jouent la carte bosniaque. Al Gore plaide pour la levée de l'embargo sur les ventes d'armes à destination des musulmans des Balkans (…) Washington décide, au cours des années 1994 et 1995, de fermer les yeux sur les livraisons clandestines, notamment celles de Téhéran, et avec la même discrétion, il encourage d'anciens des forces spéciales nord-américaines à apporter aux SR bosniaques leur savoir-faire ». L'Arabie Saoudite aide aussi « les frères » par l'intermédiaire de l'organisation de secours islamique internationale (l'IIRO). Les « musulmans internationalistes » se ruent contre les lignes serbes au cri bien connu, mais Charpier ne se livre à aucun commentaire politique sur le soutien de la grande puissance, et laisse ainsi croire que le fil conducteur de la guerre reste l'islam. Les bandits djihadistes « grouillent toujours dans les Balkans » et se font de l'argent « en exploitant le marché de la charia ».
L'épopée sinistre des « nouveaux djihadistes » après l'an 2000 n'est présentée là encore que comme une longue quête policière où on ne retombe sur l'analyse géostratégique des terroristes (sur commande) qu'en page 226, où il leur faut contrer la France qui possède de l'uranium au Niger, sans étayer qui commande quoi derrière, en restant focalisé sur les cinglés exécutants des crimes de ces « organisations politico-criminelles », mais en glissant en fin de chapitre que face au terrorisme (mais pas à ses concurrents masqués qui se servent des attentats) « le Pentagone a déployé ces dernières années des bases militaires plus ou moins secrètes ».

La dernière partie, qui traite factuellement et chronologiquement, des derniers attentats en France contre Charlie, au Bataclan et à Nice, constitue certes un bon résumé (à garder pour ne pas oublier) mais n'explique rien et nous laisse pantois avec cet autre cliché « relevant davantage de la psychiatrie que de la politique », et le dénouement de ces affaires a été dû au « hasard ». Tout ça pour ça ! Et sans avoir prouvé une continuité islamique en 60 ans dans la périodicité des attentats, Charpier se fout de son lecteur en conclusion en mettant sur le même plan les exécutions extra-judiciaires pendant la bataille d'Alger et les escadrons de la mort en Amérique latine dans les années 1960 ! Et enfin ce truisme flicard : « La lutte antiterroriste incombe à des techniciens chevronnés ».
Les mêmes qui ont été incapables de défendre Charlie, le Bataclan et la promenade de Nice?

Une secte irait plutôt dans le sens de donner à l'islamisme un rôle central qui n'est que de surface. Je les nommes : les indigents de la République.

LE TERRORISME ET LA TAQYA

Le terrorisme, on l'aura compris ici, est une arme de recrutement de guerre, outre mesure médiatisé. Il n'est pas plus difficile à comprendre que le patriotisme. Il contient la même religiosité, qu'elle soit catho ou musulmane mais lié à l'époque moderne au désoeuvrement. Déjà dans les années 1970 nous pouvions identifier l'engagement pour la Palestine à son juste niveau. Dans les camps de réfugiés, comme aujourd'hui, au type sans abri ni travail on pouvait tendre une mitraillette : tiens voilà du travail et tu auras ta pitance ! Bouteldja applaudit sans conteste le terrorisme islamique, en le cachant soigneusement avec la maïeutique lourdingue de la taqya. Ce soit disant art de la duperie, est plutôt un produit de l'aliénation actuelle que l'art des troubadours arabes. Le système de domination capitaliste dupant en permanence et sachant qu'on sait qu'il nous dupe, s'étonne quand les enfants des banlieues éclatent de joie en 2001 alors qu'il y a trois mille morts dans les twins. Ce n'est pas la faute à l'islam ni aux zéros terroristes, mais une façon, certes maladroite, bête et inconsciente, de dire merde à ce système puisqu'on les considère comme des zéros, bêtes et inconscients.

La Palestine a remplacé l'Algérie de 1960 dans l'idéologie d'embrigadement des masses arabes et africaines. On pouvait comprendre l'illusion de l'indépendance de l'Algérie à cette époque dans une phase nécessaire, bien que pourrie et excluant tout développement du capitalisme moderne dans les colonies, et encore moins après décolonisation. La libération de la Palestine n'est pas seulement une caricature mais une impossibilité et une imagerie de plus pour concrétiser le besoin fumigène d'Allah akbar pour les braves soldats suicidaires.

La question à se poser non seulement pour chercher à s'expliquer la série de meurtres dit islamistes en France, n'est pas de chercher à tout prix des commanditaires (qui complote ou planifie, sachant que des complots existent bel et bien dans tous les domaines mais dont nous ne savons rien pas plus que Charpier) mais de reprendre cette notion de somnanbulisme que nous avons évoquée en introduction pour expliquer les impulsions du capital vers les guerres mondiales. Ce système, reconnu tardivement comme « mondialisé » produits de belles inventions techniques, génère des progrès épatants en médecine mais encore plus de phénomènes nuisibles et destructeurs pour l'humanité qu'Allah ne m'a pas chargé de lister ici. Ce système gangstériste se nourrit de toutes les arriérations au nom de la multiculturalité, diversité et poils au nez. Il a besoin des meilleurs simplismes pour gouverner mais surtout d'idéologies pour ridiculiser toute espérance de « changer le monde ». La chose est pourtant simple à comprendre. Prenez n'importe quel tyran dans l'histoire, tant qu'il ne peut obtenir satisfaction il terrorise ses sujets ou ses subordonnés, mais en prenant soin qu'ils ne puissent éventuellement se regrouper pour lui faire face.
Compartimenter les inquiétudes est une réelle réussite de ce capitalisme pas si somnanbule qu'on pourrait le croire. Les cibles désignées par le nouveau terrorisme pour tuer dans les églises, mosquées, cimetières, ou écoles, s'attaquent à la vie en société, à l'espèce humaine sans défense comme pour lui faire croire qu'il n'existe pas d'autre destin que la soumission ou le sacrifice au dieu fictif. L'ancien terrorisme s'en prenait aux symboles de l'Etat pas à la population lambda, ou alors par dommage collatéral. On peut encore comprendre que des jeunes exclus s'en prennent systématiquement aux flics qui ne sont pourtant pas les hauts responsables de l'Etat bourgeois, moins les pompiers.
On peut comprendre aussi qu'au bout de soixante ans d'absence de règlement de compte au niveau mondial, la débilité mentale tienne lieu de raisonnement, comme nous y invite Houria Bouteldja dans son livret compartiment de chemin de fer et ghetto de la pensée : « Les blancs, les juifs et nous » ; « nous » c'est les arabes, et le sous-titre aurait dû être « Vers une politique de la haine révolutionnaire » :
« Je voudrais ici remercier trois grands fous que dieu a eu la bonté de mettre sur mon chemin (…) J'entends par « fous » des militants radicaux qui agissent par idéal, sans trop réfléchir aux conséquences de leurs actes, qui prennent des risques, sans trop se préoccuper de leur intérêt immédiat, et qui rendent la vie plus légère parce qu'avec eux, militer c'est aussi rigoler ».

La même auteure écrit laconiquement « Des bombes explosent dans le métro » et ajoute froidement : « immédiatement la bonne conscience fait son oeuvre » (…) c'est le cri du cœur des démocrates. L'union sacrée » (…) ils sont tous Charlie. Ils sont tous blancs ».

De tout temps des gens se sont rassasiés du spectacle des meurtres, des pendaisons, des rivières de sang. C'était la jouissance de la vengeance du pauvre, le plaisir solitaire du plouc, l'orgasme de la vieille femme délaissée. Le brouet de Bouteldja est du même ordre : vengeance contre « les blancs », ces salauds de colonialistes, racistes et assassins. Sartre est un petit blanc sympa quand il dit que c'est bien de tuer un homme blanc puis un salaud à zigouiller quand il meurt sioniste. Tissu de phrases lapidaires, d'insultes sophistiquées, de haine récurrente et névrotique, cette compilation indigeste est pénible à lire dans son incohérence mais se ridiculise elle-même en invoquant l'amour, certes un amour qui a « un prix », qu'il faut payer avec les contours fantasques du moi décolonial « le Nous de l'amour révolutionnaire ». Le pensum haineux, bourré de mensonges, d'inepties11, d'approximations, de citations qui tiennent lieu d'absence de pensée propre, n'a pas été écrit seulement à Sainte Anne12, mais sur un cahier d'écolière de quinze ans d'âge mental en manque de repère et de père plein d'humour : « J'appartiens à ma famille, à mon clan, à mon quartier, à ma race, à l'Algérie, à l'islam ». La pauvre fille n'appartient à rien du tout, même pas à elle-même. Il dit sans cesse tout et son contraire, elle invoque « notre moi collectif », comme n'importe quelle féministe demeurée, mais son livre est envahi par son « je », tout en disant p.131 « que dieu nous préserve du mot je » !!!

On comprend qu'elle ait roulé ses lecteurs gauchistes et trotskistes, faisant référence à ses origines « ouvrières » (un des axes de la propagande du GIA et du NSDAP). Ouvriers et immigrés : « ça suffit pour faire de nous des acteurs majeurs de l'histoire et du présent de la France ». L'immigré stade suprême de l'apologie du terrorisme et de la ghettoïsation des « géniaux » enfants décolonisés arabes (certes blancs) et noirs (vraiment noirs?)13. Etre fille d'ouvrier immigré ne vaut pas une médaille ni n'est une garantie d'intelligence. A moins que la demoiselle s'adresse à une clientèle néo-stalinienne et ouvriériste (si si il y en a encore!), sans oublier tous les neuneus qui ont acheté le livre et seront incapable de le lire, plus d'ailleurs par lassitude pour le ton employé, lassant et la médiocrité de l'argumentaire saccadé.
La fable des cicatrices du temps « béni » des colonies qui saigne toujours est à la base de cette compil haineuse des « blancs » (catégorie indifférenciée donc raciste et anti-ouvrière). Or, à la fois le désenchantement du prolétariat en Algérie depuis près de 60 ans et la révolte discontinue des masses paupérisées fichent en l'air cette fixette névrotique sur le caractère racial de catégories de la population. La dérive des vrais problèmes sociaux et politiques sur cette haine du blanc indifférencié et du juif traité à la manière taqiya (t'es pourri mais on t'aime quand même) où « l'indigène oppose sa propre rationalité », fait pitié. Ce raisonnement de banlieue stalinienne tente de remplacer le culte de l'ouvrier Stakhanov par le culte suprême de Mohammed ce bon croyant est un guide et un « homme politique qui s'ignore » : « … l'immigré a l'expérience du prolo blanc. Il le connaît. Il sait comment il a été livré, désarmé, privé de Dieu, du communisme et de tout horizon social, au grand capital ». Presque du Marchais dans le texte avec des remugles d'anarchisme primaire et d'écologie primitive. On promet la bienvenue « aux autres utopies de libération, d'où qu'elles viennent (sic) spirituelles ou politiques, religieuses, agnostiques ou culturelles » ; puis paf au moment du camp d'été décolonial, exit « les blancs » et « les autres utopies » comme à un vulgaire camp d'été moscoutaire ou un stage camping de LO.

La pauvre Houria a fait reposer tout ce prêchi-prêcha sur le sable d'une libération morte et enterrée, qui n'est surtout plus référentielle même pour l'ouvrier migrant, qui se nomma libération nationale en Algérie sur des milliers de cadavres et la dictature des généraux en compétition pendant des décennies non pour Allah mais pour le pouvoir capitaliste. Elle est minable avec son injonction finale à crier soir et matin Allahou akbar, comme cet autre secte radote Haré Krishna en tant que décervelage quotidien. Avec sa fabrique de la kesta préparée « clandestinement », « au péril de leur vie », par les grands-mères qui « ravitaillaient les combattants de l'indépendance », Houria reste dans l'arrière cuisine des commères de l'histoire. Son « Nous de la majorité (?) décoloniale », de la « diversité de nos croyances » n'est même pas une utopie mais une blague imbécile qui termine par ce non-sens, pervers typique de la taqya narcissique : « Le Nous d'une politique de l'amour qui ne sera jamais une politique du coeur ». Du cynisme inconscient certes et de l'amour de l'humanité point.

Quant à la première question que j'avais posé en tête de cet article, je réponds comme les enfants : les deux ! Et oui au titre.




NOTES



1https://fr.internationalism.org/icconline/201801/9644/capitalisme-menace-lhumanite-dun-avenir-apocalyptique
2Les Echos, https://www.lesechos.fr/18/11/2016/LesEchos/22321-031-ECH_1---une-troisieme-guerre-mondiale-peut-elle-eclater--.htm#
3« La guerre actuelle est la première vraie guerre mondiale. Elle menace en permanence chaque homme, femme, enfant, vieillard, où qu’il se trouve, et sanctionne son athéisme, son christianisme, son judaïsme, son apostasie réelle ou supposée, son engagement dans les forces de l’ordre ou dans les ordres, en fait tout et rien, ce qui est le propre de l’acte destiné à semer la terreur ». cf. Catherine Rouvier (Causeur, 4 juin 2017). Le nombre de morts liés à cette « guerre mondiale » opaque « contre le terrorisme est en réalité effrayant ajouté à celui des attentats en zones « impérialistes » : https://humanite.fr/la-guerre-mondiale-contre-le-terrorisme-tue-au-moins-13-million-de-civils-572310 (1,3 pas 13). Précisons que le journal du parti troglodyte ne peut plus que citer des « autorités indépendantes » pour ce type de chiffrage, car, s'il lui faut prendre position, comme les gauchistes l'anti-impérialisme généraliste leur sert de cache-sexe pour soutenir tel ou tel clan militaire des rackets régionaux folkloriques.
4Au mois de décembre dernier, en France, commerçants et artisans ont été obligés de payer une taxe de 250 euros tout en signant une charte indiquant qu'ils s'engageaient à ne pas utiliser leurs bénéfices à venir pour financer le terrorisme ! A régler sous quinzaine, sous peine de représailles fiscales.
5Je connaissais la méthode de travail journalistique de Charpier, très superficiel cet ancien trotskien de la LCR, comme je l'avais noté en 2002 dans mes « trotskiens », pour son histoire du trotskisme.
6Il qualifia la Société des nations de « caverne de brigands », et cela la bourgeoisie ne le lui pardonne toujours pas, comme on le verra dans notre prochain article sur le faussaire Courtois et divers affidés acharnés contre le « tyran du Kremlin ». Je pense même que je laisserai Lénine répondre lui-même.
7Mohammed Harbi « Une vie debout, mémoires politiques » (La découverte, 2002). J'ai gardé de l'époque un article élogieux de Gilles Meynier, dans Le Monde : « L'ego-histoire de Mohammed Harbi » : « Etre en même temps algérien pétri d'algérianité, citoyen du monde et internationaliste, était une offense aux replis obscurantistes qui s'annonçaient ». Harbi dénonce déjà les dérives de « l'Etat libéré », le poids des obscurantistes islamiques. On attend toujours le tome II, sachant que, malheureusement Mohammed Harbi, le si clairvoyant politique, est devenu aveugle. Son fils reste toujours lui un élément révolutionnaire très estimé dans le courant maximaliste.
8Le rôle des porteurs de valise n'est pas si glorieux que le vante le mémorialisme gauchiste. Le transport d'argent et d'armes pour les tueurs de pioupious français n'aurait pas fait l'objet d'un culte « libérateur du colonialisme » si les généraux avaient pris le pouvoir en 1958. Les porteurs de valise auraient pris une balle dans la nuque comme Curiel. Et vu ce qu'est devenue la situation de la classe ouvrière et des classes pauvres en Algérie, les porteurs de valise n'ont pas à être fiers.
9Charpier ne nous dit pas quelle grande puissance pilote alors des pays artificiellement créés par l'impérialisme britanniques tels que les jumeaux Syrie et Irak.
10Cela dit... entre organisations politico-criminelles, les Etats occidentaux perpétrant aux-mêmes des guerres à distance pour préserver leurs intérêts néo-coloniaux même par des « exécutions extra-judiciaires ». Entre petits et grands terroristes on peut donc se boucher le nez sans état d'âme sur les comiques droits de l'homme pour conférence de presse.
11Comment peut-elle se permettre sans honte d'écrire : « La shoah ? Le sujet colonial en a connu des dizaines » ! Au moment où il est interdit à Gallimard de republier les écrits antisémites de Céline, pourtant avec un encadrement critique, comment est-il possible de ne pas inculper l'éditeur Hazan pour avoir publié un tel ramassis de bêtises qui, circulant dans les lycées joue son rôle de fake-news sans être inquiété ni contredit ? Et sert de breuvage « scientifique » à des nigauds qui savent à peine lire et dont le niveau mental ne dépasse pas la théorie du complot.
12Il a été co-rédigé par un avocat car la plupart du temps la taqya permet de ne pas tomber sous l'accusation de racisme, les phrases les plus grossières contre « les blancs » ou « les juifs » sont immédiatement tempérées par un charabia confusionniste et lèche botte.
13Déjà elle est mal la petite Houria, le racisme contre les algériens noirs est historique et toujours actuel malheureusement ; Mohammed Harbi s'en émeut à plusieurs reprises pourtant en pleine saga de libération nationale, histoire que Houria ne connait que... religieusement. En France aussi la communauté décoloniale arabes + noirs n'existe pas, et les racistes sont probablement aussi nombreux chez les arabes « de souche » que chez les blancs « de souche ».